Petite expérimentation et première pour ce blog, l’article sera plus long que d’habitude , dîtes moi en commentaire si ce nouveau format vous plait!
Je vais vous présenter plusieurs créations qui se sont étalées dans le temps, mais que je regroupe par soucis de clarté sous un seul et même article. Vous avez sans doute remarqué que les articles se font un peu plus rares qu’auparavant. La vie d’adulte et ses petits tracas quotidiens empêchent de consacrer son temps aux loisirs seuls et je suis toujours très frustrée de ne pouvoir vous partager plus des mes expériences costumes ! Cependant restez bien dans le coin, les articles sont là et seront toujours présents même si moins fréquents.
En cas de nouvelle création 1830, je vous inviterai à revenir sur cet article et les admirez en fin de page :)
Voici un petite aperçu des créations que vous pourrez voir dans l’article. Le montage date de Décembre 2019 et sera mis à jour au fur et à mesure des nouvelles créations !
Quelle fabuleuse période à expérimenter pour la costumière historique que je suis ! Voilà typiquement une période de l’histoire du costume féminin, qui il y a quelques années était fort décriée par le milieu des reconstitueurs ou dans le milieu professionnel des arts visuels (à quelques exceptions près bien sûr). En effet, peu de costumés avaient osé s’aventurer dans cette décennie si particulière ! Lors de mes premières confections en 2014, il n’y avait pas beaucoup de réalisations physiques « à se mettre sous la dent », il a fallu donc défricher le terrain et entraîner son œil à outrepasser les gravures de mode qui- comme souvent -sont très extravagantes ! Les années passant, le monde des costumés s’est habitué aux nouvelles créations et le tout accompagné de séries télévisés et de travail de communication muséale, on peut dire que les années 1830 sont en 2019 très bien représentées !

Magasin för konst, nyheter och moder 1831, gravure de mode suédoise (oui oui cela monte bien au nord !)
Je vais tout d’abord et comme d’habitude vous faire une présentation du costume sur la période étudiée. Puis je vous partagerai mes créations personnelles dans l’ordre chronologique de leur confection.
—-
PRÉSENTATION DU COSTUME FÉMININ EN 1825-1835:
La remise au goût du jour de l’Antique permise par la Révolution Française avait provoqué un chamboulement absolu dans la mise des femmes. Pour une partie d’entres elles: abandon du corset, des jupons et d’autres armatures définissant une silhouette bien en courbes. Cependant, cette mode éphémère ne dura guère que trois ans entre 1800 et 1803. Peu à peu, sous les effets du climat et d’un retour à un goût d’ostentation: les robes fines tubulaires se sont élargies, garnies de volants, de passementerie, le jupon retrouvant son caractère utile isolant et formateur de silhouette… Le costume de cour du Premier Empire s’est appliqué à relancer la production d’étoffes précieuses comme les soies Lyonnaise et relancer l’industrie du luxe mise à mal par la Révolution de 1789.
Sous l’influence du romantisme couplé à un goût de l’exotisme une redécouverte et passion pour l’Histoire, la mode adopte tour à tour le style troubadour avec ses corsages en pointes et étoffes denses, le style à la cathédrale et ses pointes élancées qui influencèrent la mode notamment celles des éventails (cf mon autre article: Restauration d’éventails). Les fraises, manches à crevées et à gigots font leur grand retour, inspirés directement des costumes renaissance des XVIème et aussi XVIIème siècle. Enfin s’joute à ces influence un nouveau goût pour l’orientalisme qui marquent le succès des châles cashmere et des turbans venus du grand Est. Chez les hommes à la même époque, les adeptes du Dandysme suivent l’arbitre des élégances: Le Beau Brummell, en faisant de leur toilette et leur paraître leur principale préoccupation. En France, la duchesse de Berry incarne la figure de mode jusqu’en 1830.
La cour de Louis Philippe ne prétendra pas vouloir diriger la mode. Se voulant bourgeoise, elle simplifiera le cérémonial et les uniformes du Premier Empire de Napoléon Bonaparte.
Les étoffes n’ont guère évoluées: lainage à la ville, soieries légères, percales et mousseline de coton pour les femmes qui adoptent à partir de 1825 les cotonnades imprimées.
De 1825 à 1824: La fin de la taille haute.
De 1820 à 1824, la ligne de taille redescend légèrement au niveau des côtes flottantes, ce grâce à l’ajout d’une ceinture la prolongeant. La jupe s’évase encore , raidie en bas par des coques de mousselines, volants, bourrelets et bouillonnées de tulle ou de soie. Les décolletés courts le jour et garnis de fraises, s’élargissent le soir en ovale. Les manches sont courtes et ballonnées.Les jockeis ( volants froncés et découpés inspirées du Moyen-Age) font leur apparition. Pour sortir on enfile une redingote ou un spencer ( issus directement des redingotes et manteaux courts de 1810) en laine ; ou enveloppée dans de larges châles de cashmere. Les chapeaux sont des capotes à passes plus évasées que leurs précédents homologues, des toques ou hautes coiffures empanachées à bords ondulant, surmontant une rangée de bouclettes de part et d’autre du visage s’épaississant au fil du temps. Les souliers de bal très légers, sont des escarpins à bouts carrés le plus souvent de satin, noués comme les cothurnes antiques.. Le jour, on porte des bottines souples en serge de laine ou en fine peau.

Costumes Parisiens 1820/ Auguste-Amelie de Bavaria par Joseph Karl Stieler, 1824-25/ Costumes parisiens 1825/ Portrait vers 1826/ Spencer: Costumes Parisiens 1819
De 1825 à 1828 : La taille retrouve sa place naturelle. La jupe froncée autour d’une ceinture incrustée raccourcie au niveau de l’ourlet et s’orne plus ou moins haut de volants et de découpes en relief bordés de ganse. Les robes du soir à petites manches ont parfois une sur-manche plus large en gaze se resserrant sur l’avant bras. On porte pour sortir les spencers, redingotes à multiples collets, les capes avec ou sans capuchon. Les dames sont férues de colifichets : On retrouve les canezous – petits corsage de mousseline portés par dessus la robe-, les mantelets posés sur les épaules avec de très longs pans maintenus par la ceinture et toujours les jockeis qui s’étalent sur les manches prenant petit à petit plus de volume.

Costumes Parisiens, robe de bal 1820/ Redingote, Suède 1825/ Portrait d’ Elizaveta Vorontsova, 1825/ Robe de bal ou de mariage, 1828/ Costumes Parisiens, robe du soir 1825
Les proportions ne vont cesser de s’agrandir jusqu’en 1840 environ. Manches plus larges, jupes plus larges etc…
Les coiffures sont des turbans de cashmere ou en tissu imprimé orné de plumes d’oiseaux de paradis, grands bérets mais surtout: chapeaux à large bords plats, support de multiples ornements: fleurs, plumes, rubans, sur-nœuds…La calotte est large pour laisser passer les coques de cheveux d’abord basses en nœuds ou papillon puis après 1827: à la girafe ( En hommage à la première girafe arrivée en France au jardin des plantes) Plus d’informations sur les coiffures plus bas dans l’article ! Les passes de rubans des chapeaux ne sont pas nécessairement noués et flottent de chaque coté.
De 1825 à 1834, la taille est emprisonnée ( mais pas encore marquée) dans un long corset dont la forme évoque celle des corsets Premier Empire avec sa poitrine très haute et son busc frontal de bois , d’os ou d’ivoire. Les manches vont augmenter considérablement de volumes , de même qu’ avec le gonflement des jupes en parallèle vont accentuer l’illusion d’optique d’une taille fine, encore accentuée par le port de ceintures contrastées en couleur ou matière.

Dessous vers 1830-35: Corset cordé, jupon cordé, chemise et brassards d’épaules/ Coiffes du matin entre 1825 et 1835/ Brassard d’épaule, 1835/ Dessous 1835: brassards armaturés, corset cordé et jupon cordé.
Les manches sont soutenues par des coussins ou des mancherons de toiles. Les jupes prennent d’avantage d’ampleur grâce aux jupons cordés: un jupon froncé à la taille et doté de cordelettes prises ente deux couches de tissus , créant une raideur supplémentaire tout en conservant de la souplesse. Le linge est toujours abondamment utilisé: du bonnet d nuit aux mouchoirs, en passant par les canezou, fichus de percale …. Le large décolleté en bateau est couvert le jour de guimpes, de fichus, de cols de baptises… et le soir garni de plissés, de croisures… les emmanchures sont placées plus bas que l’articulation de l’épaule et forment parfois le décolleté « en cœur« . On continue de porter souliers carrés de satin le soir et bottines de peau le jour.

Tenue d’été: Robe imprimée florale, ceinture de velours, capote cordée vers 1834/ Gravures de modes anglaises, 1835/ Robe de jour américaine 1832-34/ Pèlerine mantelet en dentelle vers 1835
De 1830 à 1839, la jupe s’allongera de nouveau s’arrêtant sur le coup de pied et s’ornant parfois d’un volant remontant en biais jusqu’à la taille. Les manches plaquées en haut par des plis serrés voient leur volume descendre autour du coude pour se resserrer finalement au niveau de l’avant bras vers 1838-39.

Portrait de Louise Charlotte, 1830/ Robes de mariée, gravure anglaise de 1835/ Souliers de bal 1830-1840/ Portrait de Irene, Graefin von Arco-Steppberg 1834/ Robes de jour 1834
La silhouette s’épurera davantage vers 1840 pour laisser place à des robes moins chargées et plus élancées.
——–
Voilà pour ce petit aperçu chronologique , passons maintenant aux réalisations personnelles !
——–
Septembre 2014 : Une garde robe complète !
Robe à carreaux vers 1835.
Ayant majoritairement éprouvé le costume sous son aspect de jour comme du soir , je n’avais pas encore eu l’occasion de le tester en condition réelles sur plusieurs jours. Ce fus chose faite lorsque nous nous sommes tous retrouvés par un beau mois de Septembre 2014 entre amis passionnés, dans un château de contes de fées situé en Vendée: le château de la Flocellière. Un week-end à mi chemin entre détente et reconstitution historique par plaisir fut organisé. Nos merveilleuses organisatrices avaient pensées à tout : des danses aux jeux d’époques ( auxquels j’ai pris part dans l’organisation) , danses et repas comme à l’époque. L’expérience fut un enchantement extrême et m’a permis une fois de plus d’expérimenter le costume historique à travers ses différents aspects.
Les propriétaires consécutifs de cette demeures ont eu l’idée superbe dans les années 1830-1840 de conserver les ruines de la seconde partie du château (issues des destructions des guerres de Vendée) et d’y aménager un petit jardin à la française pour les mettre en valeur. Le reste des pièces intérieures sont meublées dans un goût éclectique du XIXème siècle. L’atmosphère y était très chaleureuse ! Nous sommes dans les années 1830, l’ère est au romantisme, aux paysages où la nature est encadrée et mise en valeur par de ruines anciennes, c’est donc l’endroit idéal!
N’ayant jusqu’alors pas eu l’occasion de travailler ce costume des années 1830, j’ai donc du faire une conséquente recherche documentaire ciblée sur les années 1832-1835. Je me suis renseignée et ais étudié avec minutie : les couleurs, les formes, les accessoires , jusqu’à la coiffure. Quelle époque extraordinaire et quel challenge cela a été pour moi, n’étant pas de facto une période que je trouvais élégante. Avis totalement changé à présent !
J’ai donc imaginé quelle pouvait être la garde robe d’une dame, effectuant un séjour à la campagne en fin d’été. J’ai choisis une silhouette différente pour chaque jour et les accessoires qui vont avec. J’ai tout réalisé moi-même et avec une proportion de couture à la main très grande cette fois ci.
Commençons par les incontournables dessous. En ce qui concerne le corset, j’ai exceptionnellement un tout petit peu triché en portant un de mes favoris qui bien qu’un peu plus tardif pour la période (1850), mets ma silhouette en valeur à merveille ! Puis un nouvel élément s’y est ajouté: l’incontournable jupon cordé qui structure la silhouette de base entre 1825 et 1840. Mon exemplaire m’a demandé un temps certain à la fabrication. 45 m de cordages au total, enserrés dans deux couches de cotons. Très agréable à porter car bien flexible ! Moi qui eu souvent l’occasion de porter les crinolines armatures d’acier, le fait de porter une structure (lourde certes ), mais si flexible est très étonnant comme sensation!
Pour le choix des tenues de jour, je suis partie comme souvent sur des coups de cœur personnels. Une tenue à carreaux , motifs très en vogue à l’époque, avec berthe plissée, mitaines en tulle brodé, capeline à pois et chapeau capote à large bord. Tout n’est pas encore présent en photo hélas, mais n’hésitez pas à revenir sur l’article dans le futur !
En ce qui concerne le patronage, je suis partie comme souvent avec mes propres éditions. Je me suis basée entres autres sur un corsage du Janet Arnold puis après un travail de moulage et au moins trois toiles essayées, je suis passée au montage !
Pour ma robe à carreaux, mon modèle principal « coup de coeur » a été cette robe assez connue conservée au MET museum. Datée de 1830-1840 (je penche pour 1830-35), elle est en taffetas de soie. Vous m’entendez souvent parler de coup de coeur, je le définis comme l’inspiration principale de ma tenue tout en gardant un certain recul pour des détails de construction que je souhaite ajuster. Voici un cas d’étude intéressant: j’ai gardé de ce modèle l’inspiration des teintes colorées et la berthe plissée, mais j’ai largement modifié la forme des manches et l’utilisation d’une ceinture contrastante noir en velours. Ces éléments se retrouvent en TRÈS grand nombre dans les tenues de cette époque et les variations ne sont pas si illimitées. Les corsages sont pourvus de berthe, d’éléments croisés ou en volume (j’ai d’ailleurs expérimenté les deux autres dans mes autres créations).

Inspiration principale: Robe anglaise vers 1830 en taffetas de soie- MET Museum.
J’ai choisi donc la berthe plissée et des manches semi ajustées au coude. Et pour la petite anecdote, je tiens tout particulièrement à cette robe pour deux raisons: elle aura été ma première avancée vers l’utilisation de plus de couleurs vives dans ma garde robe, et parce qu’elle représente une sorte de clin d’œil utilisant les couleurs à la fois du drapeau français (mon pays d’origine) et celui des Pays-Bas (le pays dans lequel je vis actuellement).
Mon tissu de carreaux a été déniché à Paris et je l’adore ! C’est une cotonnade assez légère mais dont les tons vifs m’ont de suite séduite ! J’ai porté cette robe à de nombreuses reprises et continuerai de la faire pendant longtemps j’espère ;)

Aquarelle par Sorrel Mocchia Di Coggiola me représentant au concours de tir à l’arc (que j’ai gagné !) 2014.

Lors d’un festival costumé aux Pays-Bas. Je porte ici mon premier chapeau-capote qui est un tout petite antérieur à la robe mais du plus bel effet ! Photo de Henk Van Rijssen (2017)

Même événement que ci dessus avec une petite apparition de l’un des mes éventails d’époque dont vous pouvez voir la restauration via cet article: Restauration d’éventails
——–
Septembre 2014 : Robe florale vers 1835.
En ce qui concerne la deuxième robe, l’imprimé floral, le processus de design est fabrication est très similaire à celui de ma robe à carreau. Pas de coup de coeur en particulier pour l’inspiration de cette robe, mais j’ai voulu une étoffe bien particulière pour cette robe: De petits bouquets parsemés sur une surface blanche ou écrue. Ce motif se retrouve de façon très courante dès les années 1815-20. Souvent en provenance des indes, pour certains tissés ou imprimés à la planche, ces motifs très frais et féminins sont très appropriés pour une robe d’été à la campagne. Petite expérimentation propre à ce modèle, j’ai construis ma berthe non pas en croisé mais en plissé-volume. L’idée est de former un décolleté à peu près en forme de coeur. Ces découpes et mises en volumes se retrouvent très fréquemment sur les portraits et pour des robes de toutes les saisons ! J’ai peu de photos de cette robe pour le moment, je vous invite chaleureusement à revenir sur l’article quand la tenue sera reportée une nouvelle fois avec d’autres additions ;)

Un exemple parmi des milliers d’autres de ce fameux décolleté en volume. Parfois crée directement par l’excédent du corsage ou appliqué par dessus, il est caractéristique de la décennie pour le costume féminin ! Portraits de: Maria Feldtmann-Simons, 1836/ Giuseppina Holzknecht vers 1830-32/ Portrait de ? vers 1836.

Ma robe en action. A gauche avec Philippe Riga. Promenades et jeux des grâces . Plus de photo de cette robe à venir lors de mes prochaines sorties sur le même thème. Photo par Alain Trinckvel.
——–
Septembre 2014 : Robe du soir en velours vers 1834
Dernière création de cette saison 2014, la robe du soir !
Pour cette dernière, l’inspiration est venue avec une facilité déconcertante. Je n’étais pas encore « prête » à oser une tenue avec des éléments très fous fous de types noeuds, grandes décorations etc. J’ai donc opté pour un classique de la période: la tenue de velours noir et contraste de blanc. De très nombreuses dames se sont fait portraiturer arborant ce type de robe. On la retrouve aussi largement dans les gravures de mode. Bien que le noir ayant été déjà reconnue officiellement comme couleur du deuil (et ce depuis le 18ème siècle), je n’ai pas eu le temps de rechercher pourquoi l’on retrouve autant de robes de couleurs noires portées hors contexte deuil. A vos avis dans les commentaires !

Encore quelques exemples parmi un très grand nombre de représentations ! La première dame à gauche est très proche de ma version.( Portrait la Duchesse de Palmela v.1830) La suivante est aussi une variation classique de la période: sur manches d’organza longues (portrait d’une inconnue vers 1832). Le dernier portrait d’une femme et sa fille vers 1835 m’a inspiré ce magnifique corsage en croisé.
Pour ma version de cette robe (qui pouvaient se porter le jour en manches courtes et le soir en version manches longues), j’ai opté pour le corsage classique croisé en plissés, de très très larges manches dîtes berrets et une jupe sans autre décorations. Les manches justement ! Le patron est constitué d’un demi cercle qui fait près d’un mètre de diamètre ! Quoique très élégantes, je dois dire qu’elles ne sont pas les plus confortables ! Le poids du velours rend difficile la forme à garder. Je me suis aidé de doublure et rembourrage spécial notamment en tulle. Et pour l’anecdote humoristique: j’ai dû quelque fois secouer mes bras telle une poule pour remettre les manches en place qui, écrasées par un danseur; qui n’ont pas bien passé une porte etc… J’ai porté cette robe en deux occasions: la première fois pour notre week-end en 2014 et en deuxième fois à mon premier bal au château d’Ursel à Hingene en Belgique lors d’une soirée sur le thème des années Romantiques.

Photo de la robe à Ursel à l’occasion de la deuxième sortie. Je n’ai pas de photos hélas de la première occasion en 2014.

Le moment délicat du quadrille où la coiffure doit passer sous les bras de vos danseurs. Je dois dire que je maîtrise la technique à la perfection maintenant ! Photo de Bart Kools
——–
Septembre 2014 : Robe de chambre vers 1835.
Je vous présente cette création comme un petit clin d’oeil car sa construction est très simple et n’a pas nécessité beaucoup de recherche. Pour compléter la garde robe de notre week-end à la campagne, il a fallu bien entendu prévoir une tenue du matin. Les robes de chambres de toutes époques présentent les mêmes caractéristiques que le costume porté en journée, mais dans un design plus épuré et ne gardant parfois que la silhouette globale. Ce qui est le cas avec ma reproduction. La robe se porte sur la chemise et le corset. S’ouvrant au devant et restant ouverte de la ceinture au sol, les manches gonflées sont l’indice principal pour dater la tenue ! En taffetas de soie, je la porte ici avec une coiffe et un fichu assorti fabriqué sur le pouce juste avant de partir en voyage !
—-Le Point Coiffures
Et c’est là que je vais pouvoir enfin vous parler d’un élément ESSENTIEL et reconnaissable entres tous de la période: j’ai nommé la Coiffure à la Girafe !
Après les folies du temps de la jeunesse de Marie-Antoinette (1770-1780 environ) où les coiffures prenaient de plus en plus de hauteur puis le retour à plus de naturel (quoique avec toujours du volume) des coiffures des années 1780, la révolution française a fait table rase de ces influences pour se chercher les siennes. Retour à l’Antiquité, une certaine forme de pureté. On coupe ses cheveux parfois très courts à la Titus. Les longueurs et les boucles font leurs réapparitions dans les années 1810 sous Napoléon Ier . Les émigrés de la révolution reviennent de leur exil anglais et rapportent avec eux cette vogue des boucles folles sur les tempes qui plait beaucoup aux femmes. En 1827, la France reçoit en cadeau du pacha d’Egypte, une girafe, la première en France! Véritable phénomène qui inspirent tous les artistes et notamment dans le domaine de la mode, les coiffeurs vont imaginer une « coiffure à la Girafe ». Constituée de coques rigides évoquant les oreilles de l’animal et d’ajouts de boucles sur les cotés toujours plus fournies, ce chefs d’oeuvre capillaire va peu à peu prendre de la hauteur et devenant plus complexes avec ajouts de tresses, de fleurs, d’accessoires etc. Le tout nécessitant de nombreuses postiches qui assureront un renouveau de la coiffure en France à un haut niveau , première depuis le 18ème siècle. Très en vogue de 1830 à 1839 environ, cette coiffure tombera dans l’oubli une fois que les élégantes s’en seront lassées. Cette courte existence a néanmoins fortement inspiré les modes à tel point qu’elle est devenue un élément de reconnaissance capital de ces décennies romantiques. On connait cette coiffure en Angleterre dans des proportions un peu moins folles, sous le nom » The Apollo Knot » (Le noeud d’Apolon). Il fait référence aux coiffures début 1810 s’inspirant de l’Antiquité.

Gravure de mode, coiffures 1830 du soir.

Exemple d’une coiffure à la Girage. Magazine du Beau Monde, Janv. 1831.
Voici pour la petite introduction historique, voyons de plus près ma propre création. L’usage de postiches est ici capital: mes deux « oreilles » sont renforcées par des éléments rigides et la petite tresse en auréole est elle tenue par un fil de fer. Les boucles des tempes sont également factices et se disposent selon l’envie entre le haut du crane et les joues. Mes vrais cheveux sont en fait nattés et arrimés près du crane pour qu’ils servent de base à cet immense échafaudage. A noter que j’ai moi même crée ce postiche avec l’aide précieuse de ma chère amie Clémence (merci encore :) ! ) Moi qui n’avais jamais osé de coiffure aussi extravagante par le passé, je n’ai pas pu retenir un gloussement un peu nerveux la première fois que j’ai monté le tout avec port du costume ! Je conserve de très bon souvenirs avec mes amies et grands éclats de rires quand nos coiffures ont peu à peu pris toute leur ampleur ! Cette coiffure à la girafe est d’ailleurs portée surtout le soir (car cela ne rentre pas sous un chapeau!) . Vous verrez au fil de mes créations qu’elle s’accommode à la tenue et la « garniture » varie pour aller avec la robe.

Voici une de mes meilleures variations de Girafe ;) Portée avec ma robe bleu décrite plus bas dans l’article. Photo par Bart Kols.
Je termine cet aparté en évoquant rapidement les coiffures de jour: Les boucles denses se portent toujours près des temps, s’accommodant à merveille aux très larges capotes dont la couronne démesurée fait écho à la jupe gonflée des années 1832-1838. L’arrière de la coiffure quand à lui est plus modestement tressé et monté en tourelle de cheveux ou arrangé en noeuds passant plus aisément dans le cône supérieur du chapeau. La coiffure est parfois piquée d’accessoires comme un peigne ne corne ou écaille, voir de certains bijoux .
Retour aux créations costumes avec une nouvelle sortie de ma zone de confort !
———————————————–
Novembre 2016- Robe de bal bleu Cobalt 1834.
Parfois le calendrier nous joue des tours et la robe que je vais vous présenter a été décidée en l’espace de deux jours et réalisée en moins de trente jours ! Je préfère toujours réfléchir mes projets à l’avance mais je ne voulais pas manquer cet événement. Je me suis donc imposée un véritable challenge ! D’autant que vous allez le voir, j’ai largement sous estimé le temps de finitions à la main ^^
L’occasion : Un grand bal donné au château d’Ursel en Belgique qui vient parachever le grand événement de reconstitution auquel j’ai pris part avec mes amis lors de ma dernière visite estivale de 2016. Cette fois ci, une grande soirée est organisée dans la salle de bal du petit château . Ce fut une soirée magnifique et déjà pleine de souvenirs !
Après avoir expérimenté les berthes plissés sur ma robe à carreaux et les berthes plissées en volumes, il me restait à sauter un premier pas que je n’avais pas encore osé: j’ai nommé familièrement « la robe boudin » en référence à ces décorations très à la mode des années 1820-1840 où les décorations pouvaient être rembourrés de ouate et former des dessins géométriques.
L’inspiration principale m’est venue d’une gravure anglaise de 1834. Il est rare que je me base sur une seule référence historique pour créer mon costume mais le temps me pressant et le coup de foudre immédiat que j’ai eu pour cette robe m’ont décidé ! C’est au cours de mes recherches pour trouver l’inspiration que je suis tombée sur cette gravure de mode. Bien que je m’en sois largement inspiré, je n’ai pas cherché à copier trait pour trait la gravure mais plutôt m’en inspirer (je vous parle plus en détail du processus plus haut dans l’article)
Petite analyse de l’objet en question : Cette robe de bal datant de 1834 est composé d’un corsage agrémenté de ruban contrastant et assemblé à un jupe à larges plis s’arrêtant juste au niveau » du coup de pied ». Cette longueur caractéristique de la période est idéal pour danser ! Les manches bouffantes dîtes bérets s’étalent largement sur les cotés. Des nœuds agrémentent un peu partout la tenue et deux niveau des épaules.
Pour ma version, j’ai opté pour un sublime satin bleu cobalt acheté à Amsterdam. Pour ceux qui ne le savait pas encore, j’habite désormais aux Pays Bas et bien que le marché St Pierre parisien me manque, je trouve toujours de petite merveilles dans des boutiques néerlandaises parfois centenaires !
Le satin est si fin et si fluide que j’ai été obligé de construire mon corsage avec trois couches : la doublure, la couche intermédiaire en coton rigide et le satin par dessus. Le tout bien évidement baleiné au niveau des coutures. Les manches ont été doublées d’un matériel rigide qui s’apparente à une sorte de tulle et montées en tuyaux d’orgue à la main. Je voue une admiration sans borne pour ce type de montage qui rend merveilleusement bien et permet de gérer un grand métrage avec aisance ! J’avais en stock cette adorable dentelle d’inspiration marine ( il me semble déceler des coquillages). Au lieu de suivre la gravure et de l’utiliser comme un pardessus, j’ai fais le choix comme cela se faisait aussi à l’époque de la positionner froncée sous la manche. Il aurait été dommage à mon sens de gâcher les plis du satin au niveau des manches. Le corsage est garni de rubans positionnés et montés à la main. Travail long et fastidieux mais il apport une petite touche originale et projette bien le buste !

Fixation des rubans sur corsage puis montage à la main. Pas loin de 30 mètre de rubans auront été nécessaires sur toute la robe !
Viennent ensuite les noeuds au nombre de quinze, chacun monté en trois parties : base, élément pour serrer et petits rubans flottants. Petite digression historique et créative : j’ai traité les pendants de nœuds telles de petites flammes en les brûlants juste ce qu’il faut et leur intimer un mouvement virevoltant comme de petites flammes. La période Romantique est férue de Moyen Age et cela se voit dans le vêtement . Je me suis amusée à imaginer une similitude entre ces découpes du Moyen Age très dentelées et mes noeuds 1834.
La jupe à grands plis est donc garni de ces nœuds sous lesquels se trouve une large bande entremêlée de petits tubes de tissus garnis de ouate. Très à la mode dans les années 1820/1830, cette technique permet de créer un réel volume qui a peut d’équivalent dans l’histoire du costume !
Bien que le corsage et la jupe ont été montés à la machine, tout le reste a été fixé à la main, un travail de longue haleine ! La coiffure quand à elle à la « Girafe » est garnie de postiches et tout un ensemble de fleurs, peignes, boutons etc…. Ces coiffures sont si sophistiquées qu’il faut bien deux heures pour arriver au résultat final !
——–
Janvier 2018 : Robe JAUNE ET NOIRE vers 1835.
Tout comme la robe bleu que je viens de vous présenter ci dessus, cette nouvelle robe du jour s’est décidé aussi bien en design qu’en fabrication en l’espace de quelques jours ! La probabilité d’une sortie costumée et l’envie d’explorer encore cette période avec un angle nouveau m’ont décidé de ce nouveau projet. En voici le résultat !
Pour le choix des couleurs (je commence souvent par cela), c’est assez simple. J’ouvre mon placard à costume et repère lesquelles je n’ai pas encore eu l’occasion de tester. J’ai largement ouvert mon arc en ciel de possibilités en terme de choix chromatiques, mais le jaune était encore une exception. Les années 1830 étant friandes de motifs géométriques, j’ai donc naturellement choisi un motif assez classique pour la période: des zigzags en pointe. Pas d’inspiration particulière , de « coup de coeur » pour cette robe, j’ai extrait les éléments d’un grand nombre de portraits et gravures de modes (que je ne mettrais pas ici pour ne pas alourdir l’article!) .
Un joli contraste a été choisi entre un taffetas de soie jaune moutarde et des rubans de satin noirs (40 mètres tout de même !) Le corsage a été modelé selon un autre grand classique de la période: des fronces maintenues par un empiècement de forme géométrique au milieu devant et sur les manches. De petites sur-manchettes agrémentent les traditionnelles grandes manches qui descendent jusqu’aux poignets. La jupe est doté d’un grand ruché disposé en zigzag sur lequel a été cousu un ruban de satin noir.
J’ai pour cette occasion crée un nouveau chapeau pour aller avec la robe, l’ayant axé plutôt « hiver ». En velours de soie noir et agrémentés des mêmes ruchés se trouvant sur ma jupe, il fait une parfaite finition de la tenue avec ses très larges bords . Comme d’habitude toutes les formes ou presque ont été dessinées par moi même en observant les lignes des patrons de l’époque et modelant mon propre patron à mes mesures. J’ai porté cette robe essentiellement en hiver jusqu’à présent, le haut du corsage est moins visible.

Dernière sortie hivernale avec cette robe à un festival de Noël thème C. Dickens. J’ai battu mon record de froid en costume ce jour là vers les -5 degrés ! Deventer, Pays-Bas, Décembre 2018.
———————————————–
Septembre 2019- Robe de bal rouge et noire 1837.
Afin d’alléger un peu votre lecture, j’ai consacré un article à part entière pour cette dernière création et la garde robe masculine de mon compagnon. A découvrir très prochainement !

Robe du soir vers 1838. Création costume: De Fil en Dentelle. Bijoux : Parures de Lumières (et antiques), éventail véritable des années 1830 entièrement restauré par moi même. Photo par Time Light Photographic.
Voici donc pour un premier survol de mes créations 1830-1839. N’hésitez pas à revenir sur cet article de temps en temps pour découvrir mes nouvelles créations.
Je vous invite à commenter et partager autour de vous cet article et à très vite sur De Fil en Dentelle :)
Crédits Photos: Marie-Laure Colomban, Bart Kools, TimeLight Photographic, Alain Trinckvel.
—
Sources/ Pour en savoir plus :
> Galeries en ligne du Metropolitan Museum of New York.
>Wikimediacommuns
>Histoire du costume en occident, des origines à nos jours par François Boucher
>Le Costume Français chez Flammarion, collection Tout l’Art.
>Histoire de la mode et du costume par James Laver
>V&A’s collections
>Gallica ( bnf en ligne)
>La mode en 1830: Langage et société : écrits de jeunesse par Algirdas Julien Greimas
Magnifique Marie-Laure !
J’aimeJ’aime
Merci beaucoup ! J’espère que la lecture t’a plu !
J’aimeJ’aime
Très fluide et facile à lire avec de magnifiques illustrations. Ma préférée ? La robe de bal bleu cobalt de 1834, en fait l’ensemble avec bijoux et coiffure que je trouve sublimement porté.
J’aimeAimé par 1 personne
Merci beaucoup Pierre-Emmanuel ;) Oui je dois avouer que c’est aussi l’une de mes préférée ! J’avais un peu peur de cet effet « boudin » qu’on peut aimer ou pas du tout, et il rends bien au final je trouve !
J’aimeJ’aime
C est sublime, vraiment un très bel article et )es robes sont très belles. Auriez vous la gentillesse de partager un patron. Je dois me faire une robe tel que les votres, mais je sais pas par ou commencer . Merci. Cordialement.
Maria
J’aimeJ’aime
Bonjour Maria, merci beaucoup ! Comme je le mentionne dans mon article, je suis partie pour la forme global des patrons de Janet Arnold (Pattern of Fashion Volume II) et j’adapte toujours à l’aide de nombreuses toile et patronage. Bonnes recherches !
J’aimeJ’aime
Très bel acticle et bien documenté. Lorsque tu cite des exemples tu donne les références de tes sources , c’est rare dans les blogs actuellement !
J’aimeJ’aime
Merci beaucoup Odile ! Oui cela me paraît fondamental !
J’aimeJ’aime
Bonjour,
Quelle passion originale !
Combien une robe coûte-t-elle en moyenne ? Et si des personnes sont intéressées pour de la location ou un achat, où peut-on vous trouver ?
J’aimeJ’aime
Merci ! Cela dépend vraiment du contexte et du budget que vous voulez mettre. Il y a un certains nombre de loueurs en ile de france visibles sur internet.
J’aimeJ’aime